Visite d'Etat du Chancelier Minnaud (Mezenas)

Le Levenbrech Garrin, à la tête du détachement affecté à la sécurité du Chancelier, protesta qu'on le laisse à l'extérieur. Mais le Minnaud le rassura, disant qu'il ne risquait rien. Et puis, il ne fallait surtout pas créer un incident diplomatique.

Le Chancelier et son assistante s'assirent. Pamela posa un attaché-case à terre, à ses côtés. Minnaud répondit à la question de Tarque.


Étienne Minnaud : Eh bien, monsieur Tarque, d'une part je vous remercie pour votre accueil. J'avoue avoir été un peu surpris, car je ne perçois pas cette visite comme une visite d'État. En fait, j'aurais souhaité que la visite soit plus discrète, moins cérémonieuse, mais bon, c'est sans importance.

Monsieur Tarque, je suis venu vous demander une faveur. Je souhaiterais que vous libériez Léna Séborova, qui se trouve encore dans les geôles de Francovie. C'est une dame d'un certain âge et je crains qu'elle supporte mal son incarcération.

Étienne Minnaud : Pardonnez-moi, monsieur Tarque, mais je ne partage pas votre point de vue.

La grâce présidentielle est un de vos privilèges et puisque votre élection est récente, pourquoi ne pas commencer votre mandat par un acte empreint de magnanimité ?

Ce ne serait pas une lâcheté, ce serait faire preuve d'humanité !

Et puis... Je vous ai amené un petit cadeau. Pamela ?


L'assistante prit l'attaché-case et l'ouvrit. Elle en sortit une bouteille de Kirana, un alcool fort, très prisé à Mézénas.


Étienne Minnaud : Voici pour vous, monsieur Tarque. Un petit présent.

Étienne Minnaud avait épuisé toutes ses cartouches, l'argument de la magnanimité, de l'humanité et pour finir, la bouteille de Kirana. Mais il ne savait pas s'il réussirait à convaincre ce "petit Colonel d'opérettes", comme il aimait à l'appeler. Il décida d'en remettre une couche.


Étienne Minnaud : Monsieur Tarque, vous comprendrez qu'il m'est impossible de signer un pareil traité entre nos deux pays.

Mais je suis certain que vous ne passerez pas à côté de cette chance de montrer à vos concitoyens et au reste du micromonde que vous pouvez être à la fois fort et intransigeant dans certains cas, mais aussi capable d'humanité dans d'autres cas. Ce sont l'association de ces qualités qui fait qu'un simple dirigeant politique devient un grand homme d'État, vous savez ?

Tarque était décu.
Il pensait que Minnaud allait lui profiter de sa visite pour parler de sujet plus important qu'une simple citoyenne qui ne l'interessait pas vraiment.
D'ailleurs si Tarque demanderait de nettroyer les prisons il était largement possible qu'elle termine dans le peloton d'execution rien que pour faire de la place.

Il souhaitait cependant trouver un accord.

Qu'est-elle pour vous ?

Je pense etre légitime à connaitre cette réponse.

Tarque s'arreta et décida de ne pas insister. Cela ne l'interessait pas tellement finalement.

Je ne comprends pas pourquoi vous ne voulez pas régler ce petit soucis de reconnaissance.
Cela permettrait de mettre fin aux différentes rumeurs qui tournent ici notamment sur le fait que Mezenas a été construit dans la haine de la Francovie ...

Ce genre de rumeur était forte ici et avait des raisons historiques. Elles n'étaient pas totalement faux quand on sait les conditions dans lesquelles les mezeniens ont été traités.

Mettons nous au moins d'accord sur la protection des littoraux et sur le nom du détroit qui nous sépare.
Le fait que votre pays contient la ville de Rom n'est pas anodin non plus.

Tarque mettait sur la table un sujet sensible.
Les religieux romans estimaient que la ville perdue sainte de Rom se trouvait dans l'actuel état de Mezenas ce qui était confirmé par certains historiens mais d'autre au contraire réfutaient une telle affirmation.


Les sujets étaient multiples et Tarque s'assit.
Il savait que la discussion risquait d'etre complexe et longue.

Étienne Minnaud : Eh bien, s'il est vrai que cette ville de Rom se trouve effectivement sur le territoire des États Fédérés, il est dommage que les historiens francovars ne puissent pas s'y rendre afin de le vérifier par eux-mêmes...

Bien, monsieur Tarque, je pense que nous allons arrêter là. Il se fait tard et je souhaiterais aller me reposer.

Le Chancelier et son assistante quittèrent le Président après l'avoir salué - Pamela avouerait plus tard qu'elle avait eu une irrépressible envie de se laver les mains après avoir serré celles de Tarque - puis ils se rendirent à l'endroit où il était prévu qu'ils dormiraient, escortés par les Sarraudar qui n'avaient pas l'intention de les lâcher d'une semelle.


Étienne Minnaud : Vous étiez au courant de cette ville perdue, cette Rom, qui se situerait sur notre territoire ?

Pamela Farnsworth : Je ne connaissais pas cette histoire, non. Je ne suis arrivée à Mézénas qu'il y a peu et, pardon de vous le dire, mais l'histoire ne m'a jamais attirée, surtout quand elle est religieuse.

Étienne Minnaud : Pour ma part, j'en avais vaguement entendu parler. Cette ville de Rom serait une sorte de lieu saint pour l'Église Romane francovare, mais elle en a perdu toute trace. Et  donc, selon certains historiens, elle se situerait sur le territoire de Mézénas.  Hypothèse d'ailleurs contestée par d'autres.

Pamela Farnsworth : Et selon vous, elle y serait ?

Étienne Minnaud : Très honnêtement, je m'en contrefiche. L'important, c'est que le petit Colonel d'opérettes soit persuadé qu'elle se trouve effectivement chez nous. Et ça, très chère, c'est la meilleure nouvelle de la journée !


Étienne Minnaud sourit. Cette ville de Rom allait être un moyen de faire céder Tarque et de l'amener à libérer Léna Séborova. La journée du lendemain serait décisive...

Minnaud eut du mal à cacher sa perplexité face à la question de Tarque.


Étienne Minnaud : Monsieur Tarque, il me semble avoir été clair lors de notre dernier entretien. Il n'y aura pas de traité de reconnaissance entre nos deux pays, aussi longtemps que je serai à la tête de la diplomatie mézène.

Concernant la protection des littoraux, Mézénas peut s'occuper de ses littoraux toute seule et je suis certain que la Francovie saura en faire de même. Et pour le Détroit de Bighal, c'est ainsi que nous l'avons nommé. Libre à vous de lui donner un autre nom si l'envie vous en vient.

Mais tout cela n'enlève en rien la question essentielle qui me préoccupe actuellement : il y a quoi, au menu ?


Les Mézènes avaient la réputation d'avoir un sacré coup de fourchette. Ils avaient d'ailleurs une maxime : il n'est pas de meilleur traité de paix que celui signé avec un ennemi qui sait t'offrir un excellent repas.

Léna portait sur elle les traces de sa captivité. Le Chancelier Minnaud ressentit un grand chagrin en imaginant ce qu'avait enduré celle qui avait toujours été une source d'inspiration pour lui.

Il reprit sa discussion avec Tarque car celui-ci avait dit précisément ce qu'il attendait.


Étienne Minnaud : Monsieur Tarque, je comprends sans difficulté que votre voeu le plus cher serait qu'une équipe d'archéologues puissent venir à Mézénas afin de se mettre à la recherche de Rom.

Bien entendu, il me serait beaucoup plus facile de discuter de ce point, si auparavant nous arrivions à nous mettre d'accord sur la situation de madame Séborova.

Tarque n'était pas un diplomate.
Cela lui donnait le mérite d'aller droit au but.

Il est évident que si nous parvenons à nous mettre d'accord, la libération de madame Séborova sera tout à fait justifiable auprès des francovars.

Étienne Minnaud : Et si vous libérez madame Séborova et qu'elle repart avec moi à Mézénas, alors je pourrais laisser entrer sur le territoire quelques archéologues francovars.

Mais cela se ferait dans des conditions très strictes. Pas plus de 10 personnes. Un visa touriste de trente jours, renouvelable une seule fois. Et un encadrement constant par l'armée mézène.

William Tarque :

Je ne sais pas si vous vous y connaissez en Archéologie.
Moi non.
Mais en tout cas je sais que 60 jours c'est très largement insuffisant.

Je vous propose 60 jours renouvelable deux fois.
La première sur décision francovare, la seconde sur décision mézène.
La surveillance par l'armée mézène ne me pose aucun problème.

Étienne Minnaud : D'accord pour un visa touriste de 60 jours, renouvelable deux fois.

Mais cela se fera de toutes façons avec l'accord du gouvernement mézène. Ce n'est pas vous qui allez décider si les archéologues resteront ou non 60 jours de plus sur notre territoire. C'est le gouvernement mézène qui décidera s'ils peuvent rester 60 jours de plus... ou pas.


Le regard de Léna s'illumina. Elle allait pouvoir quitter sa cellule de prison et retrouver sa fille à Mézénas !

Étienne Minnaud : Aucun traité entre nos deux pays, monsieur Tarque, je regrette.

William Tarque était agacé :

Vous comptez attaquer la Francovie ? 
Un traité de non agression est un strict minimum qui ne vous engage à pas grand chose justement.