Visite improvisée au château du Bosquet

Un cortège de voiture noire dépassèrent les grilles aux armes des Montignac avant de pénétrer dans la cour d'honneur du château du Bosquet, siège de la comté de Montignac depuis le XVIIe siècle. Le majordome fut intrigué du rafut et s'apprêtait à houspiller les visiteurs indélicats pour l'état du gravier lorsqu'il vit le roi sortirent de l'une d'elle.

Il bredouilla intimidé : Vot' vot" votre Majesté ! puis reprenant ses esprits afin de ne pas déshonorés les générations de ses pères, majordome de la maison. Que Votre Majesté daigne me suivre. Je vais appeler Monsieur le comte.

Le roi eut les honneurs du salon. La comtesse douairière arriva se présenter, affolée : "Votre Majesté, c'est honneur de vous recevoir dans notre humble demeure". Le comte, qui n'avait rien d'un courtisan et savait de qui Othon tenait sa couronne, c'est à dire de lui, s'était habillé nonchalamment, faisant négligemment attendre son hôte. En effet, alors qu'il travaillait dans son bureau du premier étage, il avait aperçut le cortège royal franchir les grilles. Alors qu'il descendait au salon en empruntant l'escalier d'honneur, il croisa le regard sévère du général Louis-Armand de Montignac, un vieil ancêtre. Comme, il regrettait le temps de son enfance, où son grand-père, le comte Enguerrand, pouvait employer une vingtaine de personnes sur le domaine pour l'entretenir et le faire vivre. Le château avait alors non seulement son majordome, mais aussi ses femmes de chambres, ses valets de pied, son cuisinier, son chauffeur, son garde-chasse, son chef-jardinier et son aide jardinier. Aujourd'hui, Firmin, le majordome était au four et au moulin, tour à tour chauffeur, jardinier ou encore valet de pied, aidé en cela par la gouvernante Madame Marais qui était tout autant cuisinière que femme de ménage. Finie la grandeur des maisons d'antan, microsociété du downstair et de l'upstair. Quelle triste époque ! Franchissant le seuil du salon, il n'eut plus de considération que pour son hôte, étrangement observé par des ancêtres suspendus sur les murs lambrissés. Au dessus de la cheminée,  trônait le portrait du comte Philippe. Enrichi dans le négoce avec les colonies, c'est à dire comme négrier, il avait donné son apparence actuel au château ; c'était au XVIIIe siècle. Il observait d'un air sévère son descendant converser avec le roi de Francovie.

- Comment se porte Votre Majesté ? Que me vaut l'honneur d'une visite d'état ? (dit-il avec de l'esprit)

Hildebert apprécia la déférence. Face à lui se trouvait l'oeil sévère du comte Enguerrand qui semblait le houspiller du regard. Sympathique les ancêtres !

- Mon cher Montignac, merci de me recevoir à l'improviste. Le service, toujours le service ! Vous le savez, je souhaite briser notre isolement. Je mène donc une politique d'ouverture à l'égard du micromonde. Vous en connaissez les raisons. Nous en sommes d'accord. J'ai nommé un ambassadeur à l'Exarchat de Mont-Albert. Je vais envoyer prochainement une mission diplomatique à Prya et le décret de nomination d'un nouvel ambassadeur à l'ONA est sur mon bureau. Toutefois, je n'entends pas m'arrêter là. Je souhaite rétablir nos relations avec la République de Véran, notre petite soeur des détroits. J'espère qu'il en sortira une coopération renforcée. Un protocole additionnel de coopération a été signé portant sur les champs judiciaire, diplomatique et universitaire. J'espère que nous pourrons encore approfondir nos relations bilatérales. J'ai l'espoir secret de signer un contrat d'association qui nous établirait durablement dans les Détroits. Je sais que vous êtes apparentés avec la famille de Chabot.

- Il s'agit de mon ex-femme Sire...

- Mais vous y avez conservé des amitiés. En premier lieu, Bernard de Carbalanche, le Sénéchal de l'Île et chef de l'état par interim. C'est pourquoi, je veux vous passer la main sur ce sujet et j'entends donc vous nommer ambassadeur en Véran. Je ne doute pas en outre qu'un nom et une carrière telle que le vôtre flattera le microcosme ilais. Votre expérience nous servira pour entretenir l'amitié entre nos deux nations. Entre autre sujet qui seront prioritaires, il y a la mise en place d'un accord de défense ainsi que la mise place d'un accord cadre pour la formation des cadres de l'ïle. Comte, qu'en dites-vous ? Pouvez-vous rendre ce service à la Francovie ?

Hubert cachait sa déception. Il s'était envisagé un instant Premier ministre ou Premier gouverneur et on venait lui proposer le poste le plus crotté de la diplomatie véranaise. Il comptait néanmoins en prendre son partie.

Le comte avait écouté attentivement alors que Firmin était venu apporter à chacun un whisky.

- Comme Votre Majesté le sait déjà, j'approuve Sa politique de relance de la diplomatie micromondiale. J'ai déjà eu l'occasion de m'en ouvrir à vous. Je l'approuve d'autant plus qu'elle est mesurée et réfléchie. Véran n'est pas le poste le plus prestigieux de la diplomatie francovare mais il est sans nul doute le plus prometteur. Que Votre Majesté soit remercier de la marque de confiance qu'elle me fait. Je peux dire que je suis en mesure de l'accepter.

Craignant subir l'hire de Montignac, le Souverain apparut soulagé : l'attaque vint de la comtesse douairière.

- Votre Majesté, un comte de Montignac ambassadeur à Véran, vous souhaitez notre déshonneur ! Mon fils vous a fait roi ! Il devrait être près de Votre trône, pas dans l'ambassade la plus crottée des détroits ! Hubert songez à votre carrière et aux affaires qui vont nous occupés bientôt et requérir votre attention : les métayages à gérer, les gîtes alors que la saison estivale va débuter, l'administration de la SMP (Société mézénienne des pêches), votre nouvel engagement à la tête du corps territorial des sapeurs-pompiers, l'administration du clan et je ne compte pas vos responsabilités ministérielle nationale ! Ce n'est pas moi qui a quatre-vingt-neuf ans vais pouvoir vous remplacer. Béatrice a repris son activité d'orthophoniste et m'aide déjà beaucoup. Quant à Philippine, certes elle est revenue d'Edoran mais les garçons (elle parlait de Conrad, François, Enguerrand et Gonzague, les petits-fils d'Hubert) accapare déjà une grande partie de son temps...

La comtesse douairière était agacée. Le roi subissait ses foudres gêné. Hubert adopta le ton crâneur qui lui sied tant lorsque sa mère lui faisait des reproches :

- Mère, un Montignac ne souffre jamais de sacrifier son repos au service de son pays.

Le comte était heureux d'avoir un excuse pour quitter les salons étouffant du ministère. Il reprit afin de rasséréner sa mère.

- La gestion des métayages et de nos locations ne prends guère plus d'une journée par semaine et Philippine comptait revenir dès la fin du mois de mai au Bosquet. Elle vous aidera à tenir les gîtes. Pour ce qui est du ministère, la réforme majeure de la sécurité civile que je porte sera passé avant mon départ. Pour ce qui est du clan Jean-Pierre assurera l'interim comme il le fait déjà régulièrement. Au corps territorial, le lieutenant-colonel Rougé est tout à fait capable de me remplacer. La société des pêches se gère très bien sans moi. Alain Thomas est un redoutable homme d'affaire. Quant au ministère... Hubert eut un rire avant de poursuivre : Sa Majesté est bien placée pour savoir que l'administration tourne sans son ministre ! Et puis je ne partirai jamais très longtemps. Je serai à Véran la semaine. Je pourrai d'ailleurs télétravailler depuis l'ambassade et suivant l'agenda parlementaire, dès le mercredi ou le jeudi soir. Ma décision est prise !

Se tournant vers le Roi :

- Sire j'accepte !

Sa mère répondit vexé :

- En clair, vous n'êtes indispensable nul part sauf à des milliers de kilomètres de moi.
- Mère, vous pourrez m'accompagner. Ce sera l'occasion de passer le flambeau aux Lumeau-Péricard... Vous me parlez toujours de vos étés à Port-aux-Yssois avec émotion. Nous y avons toujours notre villa, elle n'aura qu'à y être rafraichi. Je m'occupe de tout ! C'est d'accord ?
- C'est vrai que je garde un grand plaisir des soirée à Véran avec ton père jouant du piano devant nos amis.
- C'est donc entendu ! Nous partons à Véran ! Sire je vous invite à dîner !

Hubert agita la cloche :
- Firmin cuisinez-nous un bon plat de Krasswurtz et sortez un bon bordeleau de la cave.

La discussion se poursuivit autour d'un repas campagnard. On évoqua la situation la situation en Véran et les projets du comte. Comme ambassadeur, il aurait à cœur de développer des partenariats avec l'état véranais : un partenariat universitaire mais également médical, afin d'élargir l'offre de soin véranaise. Il préparerait avant son départ un mémorandum sur la question.

Le Roi savait qu'Hubert de Montignac le considérait comme un InterPares plus que comme un monarque fut-ce par la volonté nationale. L'homme aurait pu être roi c'est certain. Othon lui reconnaissait le panache de s'être retiré de la course à la Couronne pour consolider le trône d'un titulaire élu à une large majorité. Il reconnaissait aussi derrière l'homme orgueilleux ayant la vanité en défaut un sens aigu du devoir tel qu'on le rencontre peu chez nos contemporains.

- Vous m'en voyez ravi cher ami, je n'en attendais pas moins de vous. Faites ce qui vous semblera le mieux, je vous fais confiance.

Le Roi s'était tu devant les protestations de la vieille douairière, louve pour son fils malgré les années et, jusqu'à sa mort, protectrice farouche des intérêts de Sa Maison et de la gloire de Son blason d'alliance.

On passa à table. Le repas était succulent. Le Roi lui fit honneur. On aborda différents sujets. On parla du retour des Lumeau-Péricard en terre francovare, de la mise en disponibilité de Philippine et de sa récente nomination à la tête du Patricien. On évoqua le mémorandum écolologiste de Victoire de Pont-Callec, qui ce jeudi serait auditionnée à l'Assemblée nationale. On évoqua aussi la question de l'accès au logement et de trouver des parades juridiques pour permettre de faire de la Francovie une nation de propriétaires. Enfin, le café venant, on aborda des sujets plus légers. On causa du dernier match de football de la sélection nationale. Hubert faisait mine de s'y intéresser par courtoisie pour son hôte, qui quoique prince, en était très mordu ; ce qui était une qualité politique dans une monarchie populaire.